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Iona ­ Iona ­ Jonas


Liminaire pour Iona

     Nous avons dans ce petit volume un exemple parfait des méthodes d’écriture employées par les Hébreux. Le style semble être celui d’un scénario de film. Chaque mot indique une action, illustre un geste. Rien d’inutile dans ce texte écrit pour édifier, avec une maîtrise; une évidence, une objectivité, difficilement imitables. L’effet le plus profond de l’oeuvre est sans doute obtenu par la correspondance parfaite des deux missions dont est fait le récit. Il y a en effet un exact parallélisme entre les deux. Dans les deux parties du diptyque, l’auteur a soin d’employer exactement les mêmes mots au même endroit, compte tenu des nécessités du récit, en introduisant çà ou là un « savant désordre » qui ajoute encore à la fascination exercée par le texte. Tout, en effet, est mis en oeuvre pour séduire: l’aventure d’un voyage lointain qui devait mener jusqu’à Tarshish, port situé peut-être non loin de Gibraltar, la tempête, le « suspense » permanent ménagé avec art. Qu’adviendra-t-il de Iona, « Palombe », des marins, du roi et des habitants de Ninive ? Et dans les deux cas une solution miraculeuse intervient, celle du poisson, celle du ricin, dans lesquelles s’affirme la toute-puissance de IHVH-Adonaï, et qui va permettre l’heureuse conclusion de l’histoire.


Chapitre 1.

La fuite

1.     Et c’est la parole de IHVH-Adonaï à Iona bèn Amitaï pour dire:
2.     « Lève-toi ! Va à Ninevé, la grande ville. Crie contre elle.
Oui, leur mal monte en face de moi. »
3.     Iona se lève pour s’enfuir à Tarshish loin des faces de IHVH-Adonaï.
Il descend à Iapho et trouve un navire en partance pour Tarshish.
Il donne sa paye et descend pour venir avec eux,
vers Tarshish, loin des faces de IHVH-Adonaï.
4.     IHVH-Adonaï soulève un grand souffle sur la mer.
Et c’est une grande tempête sur la mer. Le navire pense être brisé.
5.     Les marins frémissent. Ils clament, chaque homme vers ses Elohîms.
Ils projettent les objets du navire dans la mer pour s’en alléger.
Iona descend aux soutes du vaisseau. Il se couche et s’endort.
6.     Le grand navigateur s’approche de lui et lui dit:
« Qu’as-tu, endormi ? Lève-toi ! Crie vers ton Elohîms.
Peut-être l’Elohîms se ravisera-t-il pour nous,
et nous ne serons pas perdus. »
7.     Ils se disent, chaque homme à son compagnon:
« Allons, faisons tomber les sorts !
Sachons à cause de qui ce malheur est sur nous ! »
Ils font tomber les sorts, et le sort tombe sur Iona.
8.     Ils lui disent: « Rapporte-nous donc pourquoi ce malheur est sur nous.
Quel est ton métier ? D’où viens-tu ? Quelle est ta terre ?
De quel peuple es-tu, toi ? »
9.     Il leur dit: « Moi-même, un ‘Ibri.
Moi, je frémis de IHVH-Adonaï, l’Elohîms des ciels,
lui qui a fait la mer et le sec. »
10.     Les hommes frémissent d’un grand frémissement.
Ils lui disent: « Qu’as-tu fait ? »
Oui, les hommes savaient qu’il fuyait en face de IHVH-Adonaï.
Oui, il le leur avait rapporté.
11.     Ils lui disent:
« Que te ferons-nous pour que la mer se taise pour nous ? »
Oui, la mer va et tempête.
12.     Il leur dit: « Portez-moi et jetez-moi à la mer.
La mer se taira pour vous. Oui, moi, je le sais,
cette grande tempête est contre vous à cause de moi. »
13.     Les hommes rament pour retourner vers le sec; mais ne le peuvent,
oui, la mer va et la tempête contre eux.
14.     Ils crient vers IHVH-Adonaï, ils disent: « Holà, IHVH-Adonaï !
Ne soyons donc pas perdus pour l’être de cet homme.
Ne donne pas contre nous un sang innocent !
Oui, toi, IHVH-Adonaï, quand tu le désires, tu agis ! »
15.     Ils portent Iona et le jettent à la mer.
La mer arrête sa fureur.
16.     Les hommes frémissent d’un grand frémissement, de IHVH-Adonaï.
Ils sacrifient un sacrifice pour IHVH-Adonaï. Ils vouent des voeux.

Chapitre 2.

Le poisson

1.     IHVH-Adonaï députe un grand poisson pour engloutir Iona.
Et c’est Iona dans les entrailles du poisson, trois jours et trois nuits.
2.     Iona prie IHVH-Adonaï, son Elohîms, dans les entrailles du poisson.
3.     Il dit: « J’ai crié dans ma détresse vers IHVH-Adonaï; il me répond.
Du ventre du Shéol, j’ai appelé; tu entends ma voix.
4.     Tu m’as jeté dans un gouffre au coeur des mers, un fleuve m’entoure.
Tous tes brisants, tes vagues, ont passé sur moi.
5.     Et moi, j’ai dit: Je suis répudié loin de tes yeux;
mais j’ai continué à regarder le palais de ton sanctuaire.
6.     Les eaux me cernent jusqu’à l’être, l’abîme m’entoure, le jonc bande ma tête.
7.     Aux entrailles des monts, je suis descendu.
La terre, ses verrous sont contre moi, en pérennité !
Mais tu fais monter ma vie de la fosse, IHVH-Adonaï, mon Elohîms.
8.     Quand mon être s’enveloppe sur moi, je mémorise IHVH-Adonaï;
ma prière vient vers toi, au palais de ton sanctuaire.
9.     Les conservateurs de fumées vaines abandonnent leur chérissement.
10.     Mais moi, à la voix de merci, je sacrifie pour toi;
je paie ce que j’ai voué pour le salut de IHVH-Adonaï. »
11.     IHVH-Adonaï le dit au poisson, et il vomit Iona sur le sec.

Chapitre 3.

La mission

1.     Et c’est la parole de IHVH-Adonaï à Iona, une deuxième fois, pour dire:
2.     « Lève-toi, va à Ninevé, la grande ville.
Crie-lui le cri dont moi-même je t’ai parlé. »
3.     Iona se lève et va à Ninevé, selon la parole de IHVH-Adonaï.
Ninevé était une grande ville d’Elohîms, un aller de trois jours !
4.     Iona commence par entrer dans la ville, un aller d’un jour;
il crie et dit: « Encore quarante jours et Ninevé sera bouleversée ! »
5.     Les hommes de Ninevé adhèrent à Elohîms.
Ils proclament un jeûne et revêtent des sacs,
de leurs grands à leurs petits.
6.     La parole touche le roi de Ninevé.
Il se lève de son trône, fait passer sa cape loin de lui,
se couvre d’un sac et s’assoit sur la cendre.
7.     Il le clame et dit à Ninevé, de la part du roi et de ses grands,
pour dire: « Que l’humain, la bête, le bovin, l’ovin
ne goûtent rien, ne paissent pas et ne boivent pas d’eau.
8.     Que l’humain et la bête se couvrent de sacs,
qu’ils crient vers l’Elohîms avec force,
qu’ils retournent, chaque homme, de sa mauvaise route,
de la violence qui est en leurs paumes.
9.     Qui sait ? L’Elohîms retournera et se réconfortera;
il retournera de la brûlure de sa narine et nous ne serons pas perdus. »
10.     L’Elohîms voit leurs actes:
oui, ils sont retournés de leur mauvaise route.
Elohîms les réconforte du malheur
qu’il avait parlé de faire contre eux. Il ne le fait pas.

Chapitre 4.

Le ricin

1.     Cela fait mal à Iona, grand mal, et le brûle.
2.     Il prie IHVH-Adonaï et dit: « Holà, IHVH-Adonaï,
n’était-ce pas ma parole, tant que j’étais sur ma glèbe ?
J’avais anticipé sur cela en fuyant vers Tarshish.
Oui, je savais que tu es un Él graciant et matriciel, toi,
long de narines, multiple en chérissement, et qui réconforte du malheur.
3.     Mais maintenant, IHVH-Adonaï, prends-moi donc mon être !
Oui, ma mort sera meilleure que ma vie. »
4.     IHVH-Adonaï dit: « Est-ce bien, que cela te brûle ? »
5.     Iona était sorti de la ville et habitait au levant de la ville.
Il s’était fait là une cabane et habitait dessous, à l’ombre,
jusqu’à voir ce qui en sera de la ville.
6.     IHVH-Adonaï députe un ricin; il monte au-dessus de Iona,
pour faire une ombre sur sa tête et le secourir dans son malaise.
Iona se réjouit du ricin, une grande joie.

7.     L’Elohîms députe un capricorne à la montée de l’aube, le lendemain.
Il frappe le ricin, qui sèche.
8.     Et c’est quand brille le soleil,
Elohîms députe du Levant un souffle caniculaire.
Le soleil frappe la tête de Iona, qui s’évanouit.
Il demande pour son être de mourir et dit:
« Ma mort sera meilleure que ma vie. »
9.     Elohîms dit à Iona: « Était-ce bien que cela te brûle, pour un ricin ? »
Il dit: « Cela m’a bien brûlé, jusqu’à la mort. »
10.     IHVH-Adonaï dit: « Toi, tu es exorable envers un ricin,
pour lequel tu n’as pas peiné, que tu n’as pas fait grandir;
il était le fils d’une nuit, et fils d’une nuit il a péri.
11.     Et moi, je ne serais pas exorable envers Ninevé, la grande ville,
où existent plus de douze myriades d’humains
qui ne connaissent ni leur droite ni leur gauche ?
Et la bête est multiple... »